Pour ou contre l’avortement : et la santé des femmes ?

pour ou contre l avortement

Suite à une I.V.G pratiquée 2016, Purvi Patel, une habitante de l’Indiana, a été condamnée à vingt ans de prison pour féticide et négligence d’enfant. Des cas comme celui-ci ne se limitent pas aux États-Unis, ils se produisent partout dans le monde.

Les lois restrictives sur l’avortement sont souvent adoptées pour des motifs religieux, sociaux et politiques. Les opposants à l’avortement défendent la préservation de la vie humaine sans tenir compte des problèmes de santé et les personnes qui sont favorables défendent la liberté de choix des femmes. Bien que l’avortement soit plus accepté et légal dans de nombreux pays, les lois sont très différentes d’un pays à l’autre. Ce qui ne varie pas, c’est que les lois limitant l’avortement nuisent à la santé et à la liberté des femmes.

Avortements clandestins

L’avortement peut être une expérience solitaire, traumatisante et compliquée pour les femmes, en particulier dans les pays où l’avortement est restreint ou interdit pour des raisons religieuses et culturelles. Les lois restrictives ou pénales sur l’avortement mettent fortement en danger la vie des femmes qui ont recours à des avortements clandestins à risque, souvent pratiqués par des personnes non qualifiées. La plupart de ces femmes se retrouvent à l’hôpital, avec de graves complications et qui peuvent être fatales. En effet, des études ont montré qu’il existe un lien étroit entre ces avortements clandestin périlleux et les taux élevés de mortalité maternelle. Selon l’OMS, on estime qu’au moins 70 000 femmes meurent de complications graves liées à des avortements non médicalisés, et que 5,3 millions souffrent d’un handicap passager ou permanent. On estime que les avortements clandestins représentent 13 % des décès maternels dans le monde et que, dans certains pays, ils représentent 60 % des décès maternels.

La plupart des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses ont lieu dans des pays en voie de développement ou des pays pauvres, où l’avortement est soumis à des restrictions juridiques. Prenons l’exemple du Brésil. Au Brésil, l’avortement n’est autorisé qu’en cas de viol ou si la vie de la femme ou du fœtus est en danger. Si les femmes se font avorter pour d’autres raisons, elles peuvent encourir jusqu’à trois ans de prison. De telles contraintes ne font que pousser les femmes à recourir à des avortements clandestins qui mettent leur vie en danger. Selon une étude publiée en 2014 par l’International Journal of Women’s Health, le Brésil compte environ 48 mille avortements clandestins chaque année. Ces avortements sont classés au troisième rang des causes de mortalité maternelle au Brésil, selon l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS). Chaque année, plus de 2 millions de femmes au Brésil subissent des complications graves à la suite d’avortements clandestins.

Ces restrictions et ces réglementations ne sont pas spécifiques au Brésil. Dans les pays musulmans et arabes, les femmes sont soumises aux lois islamiques et aux stigmatisations culturelles. Toutefois, bien que l’avortement soit très contrôlé, sa pratique reste fréquente dans de nombreux pays musulmans. En Egypte l’avortement est tabou et lorsqu’une femme y a recours, elle est jugée comme étant déshonorante. Ibrahim Bacha, infirmier à l’hôpital Wadi Neel, déclare dans une interview que « l’avortement est encore rejeté par la majorité ici. Il est considéré comme une honte […] la plupart des gens n’acceptent pas cette idée en raison de leurs convictions religieuses. » La religion ainsi que la culture jouent un rôle clé dans la formation des opinions. Certains médecins refusent d’interrompre une grossesse en raison de leurs convictions religieuses et morales.

En vertu de la loi islamique, l’avortement est considéré comme un crime et les femmes qui le provoquent sont passibles d’une peine d’emprisonnement allant de six mois à trois ans, à moins que cela ne soit jugé nécessaire pour la santé de la femme. Les praticiens sont eux aussi passibles de sanctions allant jusqu’à trois ans de prison. Bacha explique que « c’est un peu compliqué de se faire avorter [en Égypte]… [les femmes] vont dans une clinique privée. Cependant, c’est illégal. Si le médecin se fait attraper, il ne pourra plus exercer son métier ». M. Bacha ajoute que ce n’est pas seulement au médecin de décider si une femme peut avorter, mais la femme mariée doit aussi avoir le consentement de son mari. De plus, si de nombreux moyens de contraception tels que les pilules contraceptives ne sont pas difficiles à trouver en Égypte, seules les femmes mariées peuvent se les procurer. La plupart des pilules de contraception d’urgence ne sont disponibles que sur ordonnance en Égypte, et les pharmacies sont souvent confrontées à des pénuries de pilule du lendemain. Ne disposant que de solutions limitées, les Égyptiennes se tournent vers l’avortement pratiqué dans des conditions illégales et donc dangereuses, potentionellement fatale. Une étude a estimé qu’entre 1995 et 2000, il y a eu plus de deux millions d’avortements et 2 542 décès maternels dus à des avortements clandestins en Égypte.

Les lois religieuses et les entraves culturelles n’empêchent pas les avortements, que ce soit en Égypte ou dans tout autre pays. Au contraire, ces avortements ont lieu dans des conditions précaires et dangereuses pour ces femmes qui ne demandent rien de plus que de prendre leur décision en considération. Certains professionnels estiment que certaines sociétés où régne l’oppression comme l’Égypte devraient être plus ouvertes à la pratique de l’avortement. Ibrahim Bacha s’exprime en tant que professionnelle de santé : « en tant qu’expert, je pense que bien que ces lois ont pour but de protéger la santé des femmes, elles restent très restrictives de leur liberté individuelle ». Il préconise également d’informer les femmes des potentiels dangers de l’avortement et de leur « laisser le choix » de la décision.

Les facteurs sociaux

Les pro-choix pensent également que des facteurs sociaux peuvent amener une femme à avorter. Une grossesse non planifiée est la raison couramment invoquée pour justifier leur point de vue. Ils pensent qu’un bébé venu à l’improviste changera radicalement la vie de ses parents avant qu’ils n’y soient prêts. Dans un entretien que nous avons réalisé avec A. L, une espagnole qui a décidé d’avorter, la jeune fille justifie son choix en disant : « J’avais 21 ans, c’est arrivé une nuit. Je ne me souviens même pas du nom du gars ». Son immaturité et sa relation avec son partenaire, qui n’était qu’un flirt d’un soir, constituaient pour elle des obstacles à l’éducation d’un enfant. L’Institut Guttmacher, un organisme de recherche américain pro-avortement qui s’efforce d’étudier, d’éduquer et de faire progresser la santé et les droits sexuels et reproductifs, a réalisé en 2018 une enquête sur les principales motivations de l’avortement aux États-Unis. Les résultats montrent que 48% des femmes qui ont avorté étaient confrontées à des problèmes relationnels ou voulaient éviter la maternité monoparentale.

En outre, les raisons financières jouent souvent un rôle dans la décision d’une femme d’avorter. La même enquête révèle que près des trois quarts des femmes (73 %) ont choisi l’avortement parce qu’elles estimaient ne pas pouvoir se permettre d’avoir un bébé à ce moment précis de leur vie. Selon les données de FAIR Health, le coût moyen d’un accouchement par voie basse aux États-Unis est de 12 290 dollars. Cette dépense est considérée élevée pour les femmes américaines dont le salaire mensuel moyen est de 5 683 dollars.

De nombreuses femmes ont également recours à l’avortement en cas de viol ou d’inceste. Cette solution est promue, et souvent attendue, pour les femmes et les jeunes filles qui tombent enceintes suite à une agression sexuelle. Selon un sondage Gallup réalisé en 2018, près de huit Américains sur dix déclarent qu’il est acceptable d’avorter les bébés conçus lors d’un viol ou d’un inceste au cours du premier trimestre. Un peu plus de la moitié disent que c’est acceptable au troisième trimestre. Il est vrai que le pourcentage de femmes qui avortent parce qu’elles sont victimes de violences sexuelles n’est pas élevé, avec seulement 1% de victimes de viol et moins de 0,5% d’inceste, mais avoir accès à l’avortement dans ces cas est fondamental pour l’avenir de la mère.

Cependant, il existe des pays qui n’autorisent pas l’avortement. Pour le gouvernement iranien, par exemple, dont la loi est basée sur la charia islamique, le caractère sacré de la vie humaine prime sur l’autonomie des femmes enceintes. L’interruption de la grossesse n’efface, selon eux, ni les séquelles du viol ni ceux de la violence subie par la femme. Ils considèrent, qu’au contraire, l’avortement est une violence supplémentaire. Ainsi, les femmes se trouvent dans l’obligation de porter leurs bébés, jusqu’à l’accouchement, quelles que soient leurs conditions psychologiques et/ou financières. Ce qui nous pousse à nous interroger sur l’efficacité de telles restrictions. Car, empêcher les femmes d’avorter sous contrôle médical et donc dans un cadre légal et sécurisé les obligera à avorter hors circuit médical. On rentre donc dans un cercle vicieux. D’autres remettent en question l’efficacité de telles mesures, car soumettre les femmes à des pressions et des restrictions sociales ne fera que recréer un autre problème social, à savoir l’avortement illégal. Des études réalisées par World Fertility Data en 2012 estiment que près de 10% des grossesses se terminent par un avortement illégal. Sur les 1 300 000 naissances qui ont lieu chaque année en Iran, au moins 120 000 avortements sont illégales: en Iran, l’avortement est permis que si la vie de la mère ou du bébé est en danger. Au lieu de trouver des solutions pour lutter contre ce phénomène social, le gouvernement iranien cherche à restreindre davantage la liberté des femmes. Le fait de considérer que les facteurs sociaux ne sont pas des raisons valables pour se faire avorter ajoute un poids supplémentaire sur les femmes qui se trouvent doublement victimes.

Son corps, son choix

Le Pacte international relatif des droits civils et politiques, un traité multilatéral créé par les Nations unies en 1966, stipule que « tout être humain a droit à la vie ». Le droit des femmes à avorter a été abordé par le Comité des droits humains lors de l’adoption du traité. Leur objectif était de protéger le droit à la vie des femmes en effectuant la procédure de manière saine et sûre. Le Conseil des droits humains a montré comment les lois restrictives sur l’avortement annulent le droit à la vie des femmes. Il recommandé aux États parties (tout pays qui adhère à la Convention et accepte l’obligation légale de lutter contre la discrimination à l’égard des femmes) de prendre des mesures pour garantir ce droit aux femmes. Au début des années 80 le PIDCP a été reinforcé par le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Cette Convention a suggéré différents moyens de soutenir les femmes, tels que la fourniture de services de santé reproductive et l’amélioration de l’accès aux programmes et services de planification familiale.

En France, les femmes bénéficient du soutien de « La maternité heureuse » depuis 1956. L’objectif principal de l’association était de changer la loi de 1920 qui interdisait l’avortement et la propagande contraceptive en France. « La maternité heureuse », aujourd’hui appelée « Centre de planification familiale », dénonce et combat toutes les formes de violences et de contraintes à l’égard des femmes, lutte contre les discriminations et les inégalités sociales, et s’engage dans la prévention du sida et des MST. Comme le montre le cas de A. L, la femme Espagnole de 26 ans qui a décidé de se faire avorter lors de son séjour en France, elle n’a pas eu de difficultés à obtenir la procédure. Elle raconte : « Mon amie a appelé un hôpital. On lui a dit de contacter le Centre de planification familiale. La même semaine, j’ai obtenu un rendez-vous avec un médecin ».

Depuis la création de ce centre, les femmes ont moins de difficultés lorsqu’elles prennent la décision d’avorter. Comme l’a affirmé A.L : « Lorsque j’ai réalisé que c’était réel, j’ai pris la décision de me faire avorter ». Pour elle, c’était facile, il suffisait de contacter un hôpital pour obtenir toutes les informations. Ce n’était cependant pas le cas d’une Française de 26 ans qui a partagé sa mauvaise expérience sur Instagram. Lors de sa consultation pour un avortement, le médecin l’a fait se sentir coupable de sa décision. “Il m’a fait toucher mon ventre et m’a dit : Vous sentez ça ? C’est le bébé que vous allez tuer.”

L’avortement, un débat sans fin

L’avortement était une procédure très dangereuse avant d’être médicalisée. Souvent qualifié de péché, les lois sont très dissuasives pour protéger la vie du foetus considérée comme sacrée. Les catholiques affirment que la vie commence dès la conception. Dans l’Islam, le corps humain appartient à Dieu. Pour ces deux religions, l’avortement serait également un meurtre. Mais, les lois sont aussi nécessaires pour protéger la santé des femmes qui risquent leur vie en avortant.

Aujourd’hui, l’opinion publique est partagée. La plupart des gens sont d’accord pour dire qu’une femme devrait avoir le droit d’avorter si sa vie est en danger, en cas d’anomalie grave du foetus ou d’abus sexuel. De plus, pour des raisons sociales et économiques, les personnes favorables à l’avortement expriment le besoin des femmes d’avoir le contrôle total de leur corps. Le droit d’avorter sur demande et sans restriction fait aussi partie de leurs revendications. Un avortement coûte très cher. Beaucoup de femmes ne peuvent pas se payer une procédure légale. Un accès complet à l’avortement signifie également un accès libre sans discrimination pour éviter l’avortement clandestin et les graves problèmes de santé qui l’accompagnent. La santé et la sécurité des femmes sont de plus considérées comme des arguments de poids. Selon l’article du Dr David Robert intitulé « Un scientifique évalue les cinqs principaux arguments anti-avortement », l’avortement entraîne des problèmes psychologiques et de santé tels que la dépresion, le cancer et le suicide.

Certains religieux éprouvent tout de même de la sympathie pour les femmes qui décident d’avorter. Pour Jes Kast, ministre de l’Église Unie du Christ. Dans une interview accordée à The Atlantic, elle a déclaré : »Je crois que chaque personne que je rencontre, y compris moi-même, a un droit sur leur corps. Lorsque cette autonomie corporelle est supprimée, pour moi, cela va à l’encontre des Écritures chrétiennes et de l’Évangile en lesquels je crois ». Elle représente une exception car pour de nombreux croyants, l’avortement devrait être interdit. Qu’ils soient religieux ou non, les personnes contre l’avortement pensent que tout être humain, y compris un embryon ou un foetus a le droit de vivre. Ils s’appuient sur l’argument qu’un enfant sur le point de naître est privé de choix. Pour éviter l’avortement, la population mentionne souvent l’adoption et les moyens contraceptifs comme la pilule du lendemain.

Les femmes doivent s’armer de courage pour se libérer des lois arbitraires. Les associations féministes, les organisations de défense des droits de l’homme, les humanistes et les femmes du monde entier doivent faire preuve de courage et exiger la légalisation de l’avortement partout dans le monde. Les facteurs sociaux, la santé et la liberté de choix sont des arguments valables pour sauver les femmes de ces lois qui ne feront que créer des victimes tel que Purvi Patel.

 

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Caroline

Caroline, rédactrice passionnée et créative, incarne l'essence même de l'écriture au sein. Dotée d'une plume élégante et captivante, elle transforme chaque sujet en une expérience de lecture immersive.

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