
Combien de décès faut-il pour débloquer les brevets des vaccins ?, est la question que l’on se pose quand on voit comment les monopoles de vaccins anti-COVID coûtent des vies dans les pays pauvres et c’est la démocratisation de la vaccination qui est redoutée par les grands perdants de cette possibilité : les entreprises pharmaceutiques.
Une exemption temporaire des dispositions protégeant la propriété intellectuelle associée aux vaccins contre le covid-19 serait une mesure que les pays en développement pourraient demander, étant donné que les infections et les décès dus au coronavirus augmentent dans les nations pauvres. Une telle action n’est toutefois pas suffisante pour contenir l’impact du virus dans les régions les plus vulnérables.

Matthieu Collin, specialiste de la propriété intellectuelle, rappel qu´assouplir l´acces au brevet du vaccin n´est pas suffisant. Collin ajoute à la liste des obstacles l’accès à la matière première ainsi que le procesus de production et le contrôle de la qualité du produit.
Les brevets permettent de protéger, d’encourager l’innovation
Matthieu Collin, specialiste de la propriété intellectuelle
“Les brevets permettent de protéger, d’encourager l’innovation et de sécuriser un retour sur l’investissement consenti, et donc de minimiser les risques pris par les déposants”, illustre le juriste.
Compte tenu de la nature extrême de la pandémie, la recette de ces injections devrait être largement disponible afin que d’autres fabricants puissent les produire en masse localement, ce qui oblige la nécessité de trouver un certain équilibre entre l’intérêt public et l’intérêt privé, selon Collin, directeur de la propriété intellectuelle chez Inserm Transfert.
Les représentants de l’industrie pharmaceutique craignent également qu’en l’absence d’accès à l’ensemble du savoir-faire et des pièces, une exemption puisse entraîner des problèmes de qualité, de sécurité et d’efficacité, voire de contrefaçon.
Cependant, para Maurice Cassier, sociologue au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale et société, les problemes logistiques et de qualité qui pourraient découler de la libération éventuelle des brevets ont une solution. “La répartition de la production pourrait être facilitée par le travail de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui réalise depuis une quinzaine d’années une cartographie des capacités industrielles dans les pays émergents. Elle nous permet de savoir lesquels peuvent aujourd’hui accueillir la technologie des vaccins à ARN messager en vue de leur production”.
Cassier ajoute meme que la levée des brevets n’aura pas d’impact financier significatif pour les propriétaires des vaccins et il considere que ce sera la circulation de variants le fait qui pourrait accélérer une décision finale à cet égard.
Le point de vue cientifique montre des défis plus complexes. D´après Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche Inserm au Centre international de recherche en infectiologie “il conviendrait plutôt de travailler sur un système international de licences d’office, impliquant de négocier des redevances à la baisse, dans le but d’accorder des licences à tous les fabricants qui peuvent produire les vaccins”, ajoute-il.
“il conviendrait plutôt de travailler sur un système international de licences d’office“
Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche Inserm
Les trois experts soulignent la complexité de la question, notamment parce que loin d’être un conflit entre pays riches et pays pauvres, entre les monopoles et les personnes les plus vulnérables, la situation sanitaire mondiale témoigne d’un manque de réaction efficace en temps de crise.
Par: Elaine Nava