Quand la romance érotique tourne à l’apologie de la domination masculine et du slut-shaming
Comme si l’année 2020 n’était pas assez insoutenable, le 7 février sortait en Pologne un film totalement inapproprié. Tiré d’une trilogie littéraire écrite par Blanka Lipińska, auteure polonaise, il est adapté au cinéma par Barbara Bialowas et Tomasz Mandes sous le nom de 365 jours, et paru sur Netfilx le 7 juin de la même année.

Le film s’est présenté comme le nouveau Cinquante nuances de Grey version polonaise, et comptait sur le même succès. Rappelons que le film américain sorti en 2015 et originalement titré Fifty Shades of Grey, est également tiré d’une trilogie littéraire, écrite par la romancière britannique E. L. James. Sam Taylor-Wood mettait alors en scène Christian Grey et Anastasia Steele, dans une romance érotique basée sur le BDSM, totalement RECIPROQUE ET CONSENTIE. La saga ainsi que l’œuvre littéraire ont connu un grand succès auprès du public, avec également Cinquante nuances plus sombres et Cinquante nuances plus claires, parus les années suivantes sous la réalisation de James Foley.

Mais qu’est ce qui manque à cette version polonaise, pour la rendre si polémique ?
Le CONSENTEMENT, tout simplement. Nous ne partons pas d’un amour réciproque entre deux adultes, mais bel et bien du kidnapping et séquestration de Laura par Massimo, alors même que celle-ci est en voyage avec son amoureux. Massimo, beau mâle, charismatique et dominateur, lui donne 365 jours pour tomber amoureuse de lui. Bien entendu, la jeune femme décrite au départ comme forte et indépendante, ne tardera pas à succomber au charme de ce vaillant protecteur, qui la « sauve » plus d’une fois (n’oublions pas qu’elle est toujours sous son emprise : syndrome de Stockholm !).
Son agresseur l’étrangle à plusieurs reprises (7 fois), l’isole, la contrôle et la menace, en parfait pervers narcissique. Il forcera Laura à avoir des relations sexuelles avec lui à 4 reprises, lors desquelles elle proteste et tente de se débattre, avant de succomber en appréciant finalement. Les scènes érotiques n’appartiennent donc pas au sadomasochisme ici, mais bien au viol. Le film cultive cette culture en l’érotisant, et en montrant que les femmes peuvent finir par transformer leur « non » en « oui » en forçant un peu.

Ce film est totalement inapproprié et incorrect, pour trois raisons majeures :
- Premièrement, il décrédibilise tous les traits de la psychopathie et de la sociopathie, en les rendant attirants. Il met en scène un oppresseur pervers narcissique, obsédé, violent et dangereux, dont on retient seulement sa beauté et son charisme. Les agressions physiques et mentales et les menaces sont complètement normalisées, sans parler du kidnapping, allant même jusqu’à la glorification du syndrome de Stockholm.
- Deuxièmement, il met en avant tous les stéréotypes appartenant à la culture patriarcale sexiste et misogyne : il positionne l’homme en tant qu’alpha tout puissant, et la femme en tant qu’objet fragile qui a besoin de sa protection. Mais attention, elle n’est pas si innocente, au fond – quoi qu’elle en dise – elle est vénale, perverse, toujours prête à assouvir les fantasmes masculins. Tous ces éléments contribuent à rendre le viol plus acceptable, voire excitant.

Ce qui nous mène à la troisième et dernière principale raison, le message véhiculé :
- « Préserverez messieurs, elles finiront bien par succomber ! », en opposition totale au « non, c’est non ! » que l’on s’efforce d’intégrer à la société actuelle. L’influence que ce film aura sur les jeunes générations est dangereuse. Dans une société où l’on apprend déjà assez aux garçons à se montrer forts et confiants. Où ils ne sont pas préparés au rejet, et où le refus est difficile à accepter.
Ce film vient contrer tous les efforts du combat pour l’évolution des mœurs et l’égalité des sexes, ce qui pose un réel problème de société. Avec la menace de suite prochaine à ce film, il est important de prendre en compte tous ces éléments et de ne pas se laisser séduire par son coté idyllique très superficiel. Si malgré toute la polémique Netflix venait à diffuser la suite sur sa plateforme, il serait tout à fait légitime d’appeler à un boy/girl/cott.